Vigoureux rappel des règles relatives à la déchéance pour cause de dégénérescence

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles subit une double cassation sur le fondement de l'article L. 714-6 du CPI.
Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-18907


La déchéance des droits du titulaire d’une marque est prononcée lorsque la marque est devenue, du fait du titulaire, la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service désigné dans l’acte d’enregistrement. La règle, issue de l’article 12 § 2 sous a) de la directive 2008/95/CE, est fixée en des termes voisins à l’article L. 714-6 du CPI. En somme, le titulaire sera sanctionné si deux conditions de fond sont remplies : son inaction face à l’emploi de sa marque comme mode de désignation générique des produits ou services couverts et, condition plus objective, la perte de distinctivité du signe.

Si les juges versaillais ont, dans l’affaire en cause, convenablement caractérisé le premier élément, en revanche, s’agissant du second élément, leur raisonnement est censuré.

Le titulaire des marques « Christmas Tea » et « Sachet Cristal » servant à désigner du thé engagea une action en contrefaçon contre un concurrent qui employait lesdites dénominations pour son thé ; ce dernier opposa la déchéance des droits pour dégénérescence des marques.

Les juges du fond estimèrent que le titulaire avait fait preuve de « passivité face à l’emploi massif et amplement répandu de ces dénominations » et en déduisirent qu’il n’avait pas « préservé le caractère distinctif de ses marques ». Le raisonnement est censuré au motif que la perte de distinctivité constitue une seconde condition à vérifier et non une conséquence à déduire de la passivité du titulaire comme l’exprime la cour d’appel.

En effet, les juges du fond doivent rechercher si « les marques litigieuses étaient perçues par le public pertinent, constitué des utilisateurs et consommateurs finals, (…) comme une désignation usuelle ».

Une fois vérifiées les conditions de la déchéance, il appartient aux juges de déterminer la date à laquelle les marques ont perdu leur caractère distinctif. Ces circonstances de fait sont évidemment laissées à l’appréciation des juges du fond mais, ainsi que la présente décision le montre, la Cour de cassation exerce son contrôle sur leur motivation.

En l’espèce, la date retenue par les juges versaillais a paru arbitraire puisque la Cour de cassation retient que la décision se fonde « sur des pièces postérieures à cette date, sur des documents non datés et (…) sur une facture » antérieure.