Marque et adwords : la faute du titulaire d'une marque

Outre la condamnation du titulaire d'une marque s'opposant à son emploi comme mot-clé, l'arrêt revient sur la question de l'acquisition de la distinctivité par l'usage.
Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15534
Cet arrêt a pour premier intérêt de préciser la sanction encourue par le titulaire d’une marque qui, brandissant son droit exclusif, obtient indûment du fournisseur d’un service de référencement qu’il supprime les annonces des concurrents utilisant la marque du premier comme mot-clé.

Le titulaire de la marque « dict.fr » constate l’emploi par un concurrent de sa marque comme mot-clé dans le cadre du programme publicitaire Adwords », puis sollicite de Google de « faire les démarches nécessaires pour que son seul site internet « dict.fr » sorte sur la requête dict.fr ». Google s’exécute.

Cette intervention du titulaire de la marque fait penser à la notification que le législateur a prévue à l’article 6 I-5 de la LCEN. Cependant, l’objet de la demande adressée à Google en l’espèce semble aller bien au-delà du signalement d’un contenu prétendument illicite hébergé ; elle vise à obtenir de Google qu’il intervienne techniquement pour assurer l’exclusivité de l’usage du syntagme « dict.fr » à son profit.

On sait que la jurisprudence n’interdit l’usage de la marque d’autrui dans ce contexte qu’à la condition que la publicité ainsi réalisée ne permette pas ou permette seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers. Les juges du fond ayant considéré que tel n’était pas le cas, la Cour de cassation les approuve d’avoir conclu à l’existence d’une déloyauté fautive. Elle affirme que le titulaire de la marque a privé indûment son concurrent « d’un moyen d’accéder à une clientèle pour lui proposer son service » ; cette faute privant le concurrent « de la possibilité de générer un chiffre d’affaires important ».

L’autre intérêt de l’arrêt est de revenir sur le régime de l’acquisition de la distinctivité d’une marque par l’usage, lorsque la distinctivité a été obtenue après l’enregistrement de la marque. L’article 3. 3 de la directive 89/104/CEE (puis de la directive 2008/95/CE) laisse aux États membres la possibilité d’étendre le bénéfice de la mesure dans cette hypothèse ; les juges, dans le silence de l’article L. 711-2 du CPI, retiennent qu’un signe « qui a été enregistré comme marque, alors qu'il était dépourvu de caractère distinctif, peut acquérir ultérieurement un tel caractère par l'usage qui en est fait, à titre de marque ».

Crédits photo: logo Google Adwords