Irrecevabilité d'une société de gestion collective des droits d'artiste-interprète à agir en contrefaçon pour des adhérents décédés

La Spedidam n'a pas qualité pour agir en réparation du préjudice subi par des artistes-interprètes décédés sauf à ce que leurs héritiers lui aient donné mandat pour le faire.

Cass. 1re civ., 16 mai 2013, n° 11-28252



Des vidéogrammes d’une série télévisée ayant été réexploités sans l’autorisation des musiciens qui les avaient sonorisés, la Spedidam a assigné l’INA, aux droits des sociétés productrices des œuvres litigieuses. Son action est jugée irrecevable par la cour d’appel car menée au nom d’artistes décédés.

Dans son pourvoi, la Spedidam soutient que les héritiers étant tenus par les conventions que leur auteur a passées, la cession par un artiste de ses droits à une société de gestion collective perdure après le décès de l’artiste. Selon elle, l’apport des droits de propriété intellectuelle que lui fait l’artiste lors de son adhésion lui confère la qualité pour défendre en justice ces droits, sans avoir à solliciter un quelconque mandat des héritiers.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle approuve les juges du fond d’avoir jugé sans pertinence l’invocation faite par la Spedidam de ses statuts qui prévoient qu’en cas de décès d’un adhérent les rémunérations continueront à être versées à ses héritiers. En l’espèce, dit la Cour, « il est question non de répartition des rémunérations dues aux ayants droit de l’artiste décédé, mais d’une action en réparation d’un préjudice ».

Elle relève également qu’aucune disposition légale n’investit la Spedidam du droit d’agir en toutes circonstances en réparation d’un préjudice subi par tel de ses adhérents décédé pour le compte des héritiers de celui-ci, au demeurant non identifiés et donc non avertis de cette action.

Elle conclut qu’« une créance de réparation dont la victime ne s’est pas prévalue de son vivant, élément de l’actif successoral transmis ensuite à ses ayants cause universels, ne peut être invoquée en justice que par eux, sauf à ce qu’ils aient donné à un tiers mandat d’y procéder, élément dont l’absence est précisément constatée ».

La Cour régulatrice consacre ici une solution logique et rigoureuse. Elle aligne le cas des adhérents décédés sur celui des non-adhérents (Cass. 1re civ., 19 févr. 2013 : LEPI 15 mai 2013, p. 4). Nul ne plaide par procureur. Les héritiers, comme les non-adhérents, ne doivent pas devenir des justiciables sans le savoir.

On peut néanmoins regretter, en terme d’opportunité, cette décision. Les artistes-interprètes et a fortiori leurs héritiers, ne sont en général pas en mesure de prendre eux-mêmes en charge une lourde action judiciaire contre les auteurs de contrefaçons.

Crédits photo: Spedidam