Une chroniqueuse n'est pas une artiste-interprète

Faute de présenter un « caractère personnel », une interprétation ne peut justifier l'attribution de la qualité d'artiste-interprète.
Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 11-20900

Mme X a été engagée « en tant que chroniqueuse, à un programme audiovisuel intitulé « Les Filles de Kawaï » ». Les contrats lui reconnaissaient la qualité d’ « artiste de complément », son « rôle » consistant à rédiger « des chroniques traitant de sujets divers, qu'elle enregistrait préalablement aux émissions » et à prendre part « à l'animation de celles-ci ».

Mme X demandait notamment la « requalification de son emploi d'artiste de complément en emploi d'artiste-interprète (et) des dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit patrimonial d'auteur (…) sur ses chroniques ». Ces demandes ont été rejetées. Dans les deux cas, c’est le défaut d’originalité qui explique la décision. On s’attachera ici davantage à l’interprétation.

Au visa de l’article L. 212-1 du CPI, la Cour de cassation affirme tout d’abord « que bénéficie de la protection, au titre du droit des artistes-interprètes, toute personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre de l'esprit, à la seule condition que son interprétation présente un caractère personnel ». La cour d’appel de Paris avait considéré que Mme X devait se voir reconnaître cette qualité au motif que « la chaîne avait, dans un article publicitaire, mis en avant chacune des chroniqueuses, avec ses points forts, sa personnalité, son domaine de compétence ». Par ailleurs, « le personnage de « Kawaï Girl » interprété par Mme X possédait une personnalité propre et suffisamment différente de celle des autres chroniqueuses pour que le téléspectateur puisse aisément l'identifier ». Enfin, « sa prestation était originale en ce qu'elle jouait le personnage de Kawaï Girl et traitait lors de l'émission de sujets du quotidien à partir de chroniques qu'elle avait elle-même écrites, en sorte qu'elle apportait à l'émission une contribution originale et personnelle ». La Cour de cassation estime ces éléments insuffisants et souligne « que les chroniqueuses qu'entouraient les deux animatrices vedettes pouvaient aisément être remplacées ». Surtout, elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir « expliqué en quoi l'interprétation que donnait Mme X du personnage d'une « Kawaï Girl » présentait un caractère personnel ».

On peut ajouter que le refus de voir les chroniques en question comme des œuvres interdisait également de reconnaître la qualité d’artiste-interprète à Mme X. C’est d’ailleurs ce qui a conduit la cour, ce même 24 avril, à refuser la qualité d’artiste-interprète aux participants à une émission de télé-réalité (n° 11-19091, supra, n°092, p.3).