Tentateurs et travailleurs, mais pas acteurs !

Les candidats d'une émission de téléréalité, reconnus comme salariés, ne peuvent revendiquer de droits voisins, car leur prestation n'implique pas une interprétation.

Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 11-19091



Les participants à l’émission « L’Île de la tentation » ont assigné la société TF1 afin d’obtenir les qualités de salarié et d’artiste-interprète. En 2011, la cour d’appel de Versailles a retenu le lien de subordination et contesté l’existence de droits voisins.

Devant la Cour de cassation, la société plaide que le contrat de travail implique nécessairement une prestation et que celle-ci n’est pas caractérisée en l’espèce, le fait de se laisser filmer et de tester ses sentiments ne pouvant être considéré comme un travail. En l’absence de prestation de travail, la qualité de salarié devait donc, selon elle, être rejetée. De leur côté, les participants considèrent avoir incarné un rôle et prouvé leur talent personnel, en se fondant notamment, pour revendiquer des droits voisins, sur une « bible » planifiant le déroulement des journées et sur le choix de vêtements imposés.

La première chambre civile de la Cour de cassation répond en deux temps. À propos du statut de salarié, elle se rallie à la chambre sociale (Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40981) et déduit le contrat de travail du lien de subordination, en se bornant à reprendre à son compte l’affirmation de l’arrêt attaqué selon laquelle « la prestation des participants à l’émission avait pour finalité la production d’un bien ayant une valeur économique ». Le raisonnement laisse sur sa faim. On regrette, en effet, que la prestation de travail ne soit pas mieux caractérisée en elle-même.

À propos de la qualité d’interprète, la haute juridiction la récuse en constatant que les candidats n’ont « aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu'il ne leur était demandé que d'être eux-mêmes et d'exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d'acteurs ». Or l’arrêt attaqué évoquait, par ailleurs, les « mises en scène dûment répétées » et la « prestation distincte du seul enregistrement de la vie quotidienne ». Le refus de reconnaître la qualité d’artiste-interprète s’expliquerait donc uniquement par l’insuffisance du « caractère artificiel » des situations filmées : une notion inédite à notre sens qu’il conviendra de préciser à l’avenir.

Les tentateurs ne sont donc pas (encore) des acteurs.

Crédits photo: Ile de la tentation, TF1