Preuve de l'originalité d'œuvres contrefaites

La contrefaçon ne peut être caractérisée que s'il est démontré que chaque œuvre concernée est originale.

Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 10-16063 et 10-30676

M. X a été engagé en 2006 comme photographe par la société « Le Musée de l’Organe » qui exploite un musée d’art contemporain appelé « La Demeure du chaos ». Un an plus tard, il a été licencié pour faute lourde. Tout en contestant ce licenciement, il a alors prétendu que ses photographies originales avaient été exploitées sans son autorisation par son ancien employeur.

Une telle situation est fréquente et l’intérêt de l’arrêt porte essentiellement sur la question de la preuve de l’originalité des œuvres en question. M. X revendiquait la qualité d’auteur de quarante-six clichés originaux. La cour d’appel de Lyon en analyse trois, puis « se borne à énoncer, pour les autres, qu'à travers les choix esthétiques qu'elles révèlent, M. X a magnifié le projet « Demeure du chaos » tout en livrant une interprétation personnelle du message complexe que ce projet entend livrer, que les commentaires dont il a fait suivre quatre photographies pour les besoins de la procédure ne laissent aucun doute sur la part de lui-même qu'il a mise dans ces œuvres et que, dans chaque cas, il a exalté la quintessence du site avec son regard personnel et sa sensibilité ». Très sèchement, la Cour de cassation condamne cette démarche en affirmant qu’ « en se déterminant ainsi, sans rechercher si et en quoi chacune des photographies, dont la protection était sollicitée, résultait d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, seul de nature à leur conférer le caractère d'une œuvre originale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

La cour d’appel aurait donc dû examiner en détail les quarante-six photographies en cause et expliquer, pour chacune d’elle, en quoi elle apparaissait originale. L’exigence peut apparaître d’une lourdeur extrême, surtout dans des affaires qui peuvent concerner un nombre encore plus élevé d’œuvres. Elle n’est pourtant pas nouvelle (V. Cass. crim., 4 nov. 2008, n°08-81955) et apparaît logique. M. X prétendait que ses droits patrimoniaux et son droit moral avaient été méconnus. Or ces droits ne peuvent s’exercer qu’à travers des œuvres dont il faut alors démontrer l’existence. Par ailleurs, l’appréciation du préjudice subi dépend notamment du nombre d’œuvres exploitées indûment. Reste que la tâche peut être complexe pour l’auteur qui serait victime d’une contrefaçon portant sur de nombreuses œuvres. Voilà une affaire qui peut donc relancer le débat sur la nécessité d’instaurer une présomption d’originalité.