Quelques pistes ouvertes par le rapport Lescure en matière de droit d'auteur

Le Rapport Lescure préconise notamment l'allègement du dispositif de riposte graduée, une refonte du dispositif de rémunération pour copie privée et un aménagement de l'exception de citation visant à assouplir le statut juridique des œuvres « transformatives ».
P. Lescure, Contribution aux politiques culturelles à l'ère numérique, Mission « Acte 2 de l'exception culturelle », mai 2013



Le Rapport Lescure entend faire date en définissant « les termes d’une politique culturelle volontariste et ambitieuse qui respecte à la fois les droits des publics et ceux des créateurs ». Une « nouvelle façon de marcher », affiche-t-il d’emblée. Pas moins.

On se bornera ici à commenter quelques-unes des propositions concernant le droit d’auteur, en privilégiant trois thèmes.

Le rapport recommande d’abord l’allègement du dispositif de riposte graduée et le transfert au CSA des compétences de l’HADOPI en matière de droit d’auteur et de suivi des sites. Ce n’est pas une surprise, compte tenu des engagements pris pendant la campagne présidentielle. On attend dans les jours qui viennent un décret supprimant la coupure d'accès à internet, puis, avant la fin du mois de juillet, un projet de loi sur l'élargissement des compétences du CSA. L’occasion, sans doute, de délester le CPI d’un grand nombre d’articles indigestes. Reste à savoir si l’activisme législatif laissera place à la sobriété, pari que l’expérience interdit de prendre. Il faudra aussi que le CSA démontre sa capacité à maîtriser les enjeux complexes du droit d’auteur, ce qui n’est pas gagné non plus.

La rémunération pour copie privée fait l’objet de plusieurs propositions. Certaines visent seulement l’amélioration du système existant. Plus spectaculaire est celle recommandant une approche fiscale. Le rapport part du constat que l’avenir est à l’accès et à la lecture « en flux », en sorte les œuvres seront de moins en moins copiées sur des supports physiques. Si l’on veut corriger le transfert de valeur qui s’opère de l'amont (les créateurs et producteurs de contenus) vers l'aval (les fabricants et distributeurs de matériels), il faut, dit-il, instaurer une taxe sur les appareils connectés, assise sur l’ensemble des terminaux, indépendamment de leur capacité de stockage, et envisager, à terme, « d’adosser la rémunération pour copie privée au produit de cette taxe ». On comprend bien la logique économique qui fonde la solution. Mais celle-ci tourne résolument le dos à la dimension personnaliste du droit d’auteur en regardant les utilisateurs d’œuvres comme des contribuables et en confiant à l’État la charge de rémunérer les ayants droit. Ce n’est pas ainsi que l’on va restaurer la légitimité du droit d’auteur, dont le rapport relève lui-même qu’elle est de plus en plus contestée.

Le rapport maintient la piste d’une exception nouvelle au droit d’auteur et aux droits voisins visant les « usages transformatifs ». Plus précisément, il suggère, pour « clarifier » le statut des « œuvres transformatives », un élargissement de l’exception de citation permettant de légitimer, sans l’accord du titulaire des droits, la création d‘œuvres dérivées et leur diffusion dans un cadre non commercial. L’idée est à la mode et elle en séduit plus d’un à Bruxelles. Elle est cependant discutable. La liste limitative des finalités prévues par l’article L. 122-5-3° du CPI (citations « justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ») vise à limiter l’atteinte au monopole de l’auteur aux hypothèses dans lesquelles l’utilisation de l’œuvre peut trouver sa justification dans la liberté d’information et de critique ou la diffusion du savoir. Ouvrir la porte à toutes les utilisations débouchant sur des œuvres dérivées constituerait une atteinte excessive au droit exclusif.

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