Une action en contrefaçon ratée n'est pas un abus de procédure


Le droit d'agir en contrefaçon n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire, ou par légèreté blâmable équipollente au dol.


CA Paris, 30 janv. 2013, n° 11/0526, Cycles Lapierre c/ Sté José Alvarez

Lorsqu’on est défendeur à une action en contrefaçon, la prudence commande souvent d’interrompre la commercialisation des matériels litigieux dans l’attente de la décision des juridictions saisies. Cette décision est lourde de conséquences économiques pour le défendeur dont les investissements correspondants sont perdus, même s’il est ultérieurement blanchi du grief de contrefaçon.

Il est classique que le défendeur à une action en contrefaçon demande reconventionnellement la condamnation du breveté à des dommages-intérêts pour procédure abusive, en alléguant des pertes subies du fait de l’arrêt de commercialisation des matériels litigieux et/ou de l’atteinte à son image causée par la saisie-contrefaçon lorsque celle-ci, comme en l’espèce, s’est déroulée publiquement.

La cour d’appel avait suivi la thèse du défendeur et condamné le demandeur ayant échoué dans son action en contrefaçon à lui verser 80 000 € pour compenser le préjudice subi en raison de l’arrêt de la commercialisation des VTT litigieux, considérant que cet arrêt avait été provoqué par les poursuites en contrefaçon.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt en indiquant qu’un tel motif ne caractérise pas l’existence d’une faute pouvant être mise à la charge du demandeur en contrefaçon.

La Cour de renvoi rappelle, en termes particulièrement clairs, un principe constant du droit français qui est que le droit d’ester en justice n’est susceptible de valoir une sanction à celui qui l’exerce, lorsque son action n’est pas couronnée de succès, que s’il est exercé de manière abusive. Et la preuve de cet abus est à la charge du défendeur qui l’invoque. Les mesures de prudence que ce dernier a pu prendre à titre conservatoire sont de son seul fait.

Ceci est parfaitement légitime. On porterait un coup fatal à la valeur des brevets d’invention, si l’on exposait le breveté qui défend son droit à des représailles pécuniaires pour la seule raison que sa demande aura été jugée mal fondée. À l’heure où l’on cherche à rendre attractive la propriété industrielle, ce serait contreproductif.

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